Un drag king est une personne qui élabore une performance de masculinité à des fins théâtrales et/ou d’exploration et de questionnement par le corps de la construction des genres. Faire du drag peut relever d’une démarche personnelle, artistique et/ou politique. L’artiste construit son personnage en ayant recours à des techniques de transformations permises par le vêtement et le maquillage, mais aussi en chorégraphiant ses gestes, ses expressions ou son comportement de façon à jouer avec les représentations des masculinités.
Si l’origine du mot « drag » et son sens premier restent discutés, il est plus régulièrement associé à la culture théâtrale et à l’acronyme de DRessed As a Girl. La première occurrence du terme « drag king » date de 1972 dans The Queens’ Vernacular : A Gay Lexicon de Bruce Rodgers (premier dictionnaire du jargon LGBT américain devenu une référence) où il est défini comme synonyme de male impersonator.
L’art du drag tel qu’on le connaît aujourd’hui s’inscrit à la fois en continuité et en rupture de ces male impersonators de la culture des balls et du cabaret des sub-cultures trans, lesbiennes et gaies. Il se développe plus particulièrement dans les années 1970 et 1980, à New-York, San Francisco, Londres et Berlin, et est alors souvent accompagné d’activisme politique.
En France, la scène drag king est apparue dans les années 1990, mais commence réellement à se développer au début des années 2000, notamment avec l’émergence des ateliers drag king. À New York, c’est dès 1989 que Diane Torr organise les premiers ateliers drag king. Ceux-ci s’inscrivaient alors dans une démarche féministe et étaient l’occasion pour les participant·es d’expérimenter à travers leur corps la construction sociale des masculinités. Ces ateliers Man for a day ont fait l’objet d’un documentaire sorti en 2012 et réalisé par Katarina Peters.
En France, le premier a lieu en 2002 à l’initiative de Paul B. Preciado. Les ateliers et représentations se développent d’abord à Paris, puis à Bordeaux, à Lyon… dans des espaces divers, bars, librairies, festivals, souvent associés à des revendications féministes et queer. Ces ateliers ont parfois donné naissance à des vocations comme pour l’artiste Jesus La Vidange qui a fondé en 2019 avec Thomas Occhio la Kings Factory, un des premiers show king régulier en France.
Tandis que les drag queens gagnent en visibilité et s’inscrivent de plus en plus dans la culture mainstream, les drag kings peinent davantage à se faire connaître. Pour certain·es, cette situation s’explique par le manque de moyens et la difficulté de trouver des espaces sûrs pour se produire. Une autre explication tiendrait à la démarche du drag king, plus subversive, car il serait plus accessible de jouer des performances de féminités que de rendre visible le caractère artificiel, genré, classiste et racialisé des masculinités. D’autant plus quand il s’agit de kinging, un terme théorisé par Jack/Judith Halberstam pour évoquer la performativité de la masculinité blanche, bourgeoise, perçue comme naturelle et, justement, non performative. Une masculinité qui s’établit comme norme dominante, qui se veut neutre, et qui en creux définit et rend visible les Autres, c’est-à-dire les féminités et les masculinités alternatives qui sont donc plus facilement identifiables et caricaturées. Ainsi, les démarches des drag kings et des drag queens ne sont-elles pas équivalentes.
Au-delà de la binarité king/queen, le drag queer se développe, brouillant les pistes des genres, au sein d’une culture drag en constante réinvention.
Ce texte a été rédigé par des étudiant·es du master Études sur le genre
À lire :
- Greco, L., & Kunert, S. (2021). Drag et performance. Dans Encyclopédie critique du genre (p. 254‑264). La Découverte.
- Greco, L., (2018). Dans les coulisses du genre : la fabrique de soi chez les Drag Kings, Limoges, Lambert-Lucas, coll. Linguistique et sociolinguistique.
À écouter :
- Podcast : Entre Eux Deux – FOCUS #2 – Atelier drag king – Rencontre avec Jesus la Vidange, co-fondateur de la Kings Factory.
- « Les King Tapes », podcast de Shammy Des Vices Junior, un podcast « Par les drag kings, sur les drag kings. »
À voir :
- Le documentaire « Paroles de King ! » réalisé par Chriss Lag, en 2015.