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Savoirs situés

La notion de « savoir situé » est introduite en 1988 par la philosophe et biologiste féministe Donna Haraway. Contrairement à l’idée d’un savoir universel et neutre, le savoir situé affirme que toute connaissance naît d’une position spécifique, influencée par l’expérience et le contexte de celle ou celui qui la produit. Ce concept, développé également par Sandra Harding et Patricia Hill Collins, propose une approche de la connaissance plus humble et pluraliste, reconnaissant les limites et particularités de chaque perspective, ainsi que les dynamiques de pouvoir qui les sous-tendent.

Dans le cadre du savoir situé, l’objectivité scientifique universelle et neutre est remise en question. Haraway explique que même les démarches scientifiques rigoureuses sont influencées par des facteurs sociaux, culturels et personnels. Par exemple, l’androcentrisme en médecine a longtemps conduit à une sous-représentation des femmes dans les essais cliniques, ce qui a eu des conséquences directes sur le diagnostic et le traitement des maladies telles que les crises cardiaques, souvent mal identifiées chez les femmes en raison de symptômes différents de ceux des hommes. En intégrant ces influences, le savoir situé défend une science qui valorise la diversité des voix et expériences, plutôt qu’une vision unique et souvent oppressive pour les groupes marginalisés.

Cette idée dépasse la réflexion théorique pour s’inscrire dans une dimension politique. Elle met en lumière les perspectives uniques et essentielles des groupes historiquement marginalisés – personnes racisées, femmes, minorités sexuelles, de genre, de classe sociale – dans la compréhension des structures de pouvoir. Sandra Harding approfondit notamment cette approche avec le concept d’objectivité forte, qui valorise les contributions des « voix subalternes », souvent invisibilisées, et permet de déconstruire les savoirs dominants, issus de points de vue privilégiés. Les épistémologies décoloniales, comme celles de Patricia Hill Collins, développent cette réflexion en analysant l’impact des héritages coloniaux sur la production des savoirs et les violences qui en découlent.

Dans les études de genre, le savoir situé est fondamental pour analyser l’interaction des dynamiques de genre, de race et de classe. Il encourage à ne pas isoler le genre de son contexte social et culturel, mais à le voir comme une expérience ancrée dans des réalités multiples et complexes.

Le savoir situé invite aussi les chercheur·es à interroger leur propre positionnement dans leurs travaux. Plutôt que de se distancier de leur objet d’étude, iels sont encouragé·es à reconnaître comment leur identité influence leur perspective. Cette autocritique renforce l’idée que toute connaissance est « située » et façonnée par le contexte de chacun·e.

En valorisant la diversité des points de vue et en questionnant les perspectives dominantes, le savoir situé offre une compréhension plus inclusive, nuancée, complexe et juste des réalités humaines.

Ce texte a été rédigé par des étudiant·es du master Études sur le genre

Références