Sociologue spécialiste des migrations et professeure habilitée à l’Institut des études africaines à l’université Mohammed V de Rabat, Fatima Ait Ben Lmadani a consacré ses recherches doctorales aux migrantes marocaines âgées. Dans La vieillesse illégitime ? Migrantes marocaines en quête de reconnaissance sociale ? (2007), la sociologue montre en quoi les situations de domination et les sentiments d’injustice ont façonné le besoin de reconnaissance, et la façon dont un tel cadre normatif a opéré comme une injonction renforçant l’assujettissement de ces migrantes marocaines.
Dans ses réflexions sur les parcours migratoires des femmes marocaines, elle insiste sur l’importance d’adopter une approche interdisciplinaire, convoquant notamment l’histoire dans un travail nécessaire de restitution de mémoire. Il s’agit également pour elle de déconstruire à plusieurs niveaux la manière dont les recherches sont menées sur ce sujet. Fatima Ait Ben Lmadani milite pour que ces migrantes marocaines soient étudiées en tant qu’actrices de leur vie, ce qui implique de se défaire de la vision, qu’elle considère eurocentrée, de la femme musulmane soumise et dans un besoin constant d’assistanat.
Dans cette étude, menée de 2000 à 2006, sur les migrantes âgées marocaines face aux institutions d’action sociale en France, Fatima Ait Ben Lmadani met ainsi en lumière les mécanismes de domination auxquels ces femmes sont confrontées dans leurs interactions avec les différent·es acteur·ices des institutions de l’action sociale, mais surtout les techniques de résistance développées en réponse à ces situations.
À l’occasion de sa participation à l’édition 2022 du Mois du genre sur le thème de l’intersectionnalité, Fatima Ait Ben Lmadani a évoqué l’intersectionnalité comme outil méthodologique de recherche, thème qu’elle abordait également dans un article co-écrit avec Nasima Moujoud intitulé « Peut-on faire de l’intersectionnalité sans les ex colonisé·e·s ? » Dans cet article, les deux auteures interrogent la dépolitisation du concept d’intersectionnalité, qui le vide de son sens critique, et dénoncent sa réappropriation par certaines féministes françaises.
Références
- Ait Ben Lmadani, F., Moujoud, N (2012), « Peut-on faire de l’intersectionnalité sans les ex-colonisé-e-s ? », Mouvements, n° 72 (4), 11-21.