Le concept de phallocratisme se retrouve chez Françoise d’Eaubonne (“lapinisme phallocratique” chez Caroline Goldblum). Il tire son sens du grec ancien (phallo-, du grec phallos, “pénis”, et -crate, du grec kratos, “pouvoir”) : il s’agit donc de la domination sociale, culturelle, symbolique exercée par les hommes sur les femmes.
Préoccupée par une croissance économique et démographique (liée au capitalisme et au patriarcat) qui lui semble sans limite en 1970, Françoise d’Eaubonne, théoricienne de l’écoféminisme, reproche aux hommes leur avidité et leur désir d’expansion ; la procréation étant un fléau qui menace l’humanité.
Selon elle, le but du féminisme, c’est d’“abattre le phallocratisme” correspondant “à une structure mentale et à un fait politique et social historiquement daté” (découverte de l’agriculture et de la fécondation), ainsi qu’à un “agencement social et économique de la domination, de l’exploitation par les mâles et leur pénis des individus femelles et de la terre”.
Pour Françoise d’Eaubonne, les femmes cherchent à contrôler leurs corps, leur fécondité à l’inverse des hommes qui ont une passion pour la procréation.
En 1974, elle lance un appel à la “grève des ventres” dans Charlie Hebdo : “Notre espèce n’a d’avenir qu’au prix du triomphe de notre liberté […] ; par le stoppage de la démographie, la limitation du travail “producteur” d’inutilités, le reboisement maximal, la destruction des centrales nucléaires et de toute industrie de guerre et surtout : l’abolition totale et irréversible du sexisme et du patriarcat.”
Caroline Goldblum, historienne et spécialiste de Françoise d’Eaubonne, rappelle que cette dernière dénonce les effets de la surpopulation et cherche à mettre fin au “lapinisme phallocratique”, le lapinisme désignant une fécondité excessive. Cela “soulagerait la planète de la pression qu’exerce l’humanité sur ses ressources limitées et permettrait aux femmes de se réapproprier leur corps et leur fécondité”. Caroline Goldblum précise qu’il s’agit de réguler les naissances dans tous les pays, et en particulier dans les pays du Nord où l’on épuise davantage les ressources.
Pour lutter contre l’“illimitisme” dont font preuve les hommes, d’Eaubonne propose une politique à la fois dénataliste et décroissante. Elle nous invite à sortir d’un système productiviste traversé par de multiples rapports de domination. Selon elle, nous devons limiter les productions non indispensables afin d’améliorer nos conditions de vie (diminution du temps de travail, dépollution grâce aux énergies renouvelables et à l’agriculture biologique). L’autogestion à l’intérieur de communautés réduites aboutirait à une libération des individu-es grâce à l’abolition du salariat et à terme de l’argent.
Texte rédigé par les étudiant·es du master Études sur le genre